Lily James, star de ‘Pam & Tommy’ :
« Nous sommes tous complices »
de la maltraitance envers Pamela Anderson
Lily James déclare à IndieWire que l’intention principale de la série est de « faire en sorte que les gens se rendent compte de leur culpabilité dans la répétition de ce comportement viral et malsain sur internet. »
Cela fait 25 ans que la tristement célèbre sex-tape volée à Pamela Anderson et au batteur de Motley Crue, Tommy Lee, a été diffusée dans le nouveau monde d’internet. Les fausses croyances abondent encore à propos de cet enregistrement, dont celle que la star de ‘Baywatch’ et son ex-mari l’auraient intentionnellement rendue publique et/ou qu’ils en ont profité. Remettre les pendules à l’heure, c’est ce que veut ‘Pam & Tommy’, la nouvelle mini-série Hulu, qui revient sur cette histoire.
Dès la première seconde où les premières photos de Lily James et Sebastian Stan ont été révélé dans le rôle du couple célèbre, les réseaux sociaux ont explosé de réactions choquées sur la transformation de James en la star de ‘Baywatch’. Tout comme James, qui est connue principalement pour ses rôles tendres dans ‘Cendrillon’ et ‘Mamma Mia : Here We Go Again !’. Elle révèle à IndieWire qu’elle était « ébahie » par le cerveau de l’équipe créative qui a réussi à réaliser un projet comme celui-ci. Même si elle aussi provoque bon nombre d’éloges pour sa performance sincère, qui donne d’ailleurs à réfléchir.
IndieWire a interrogé James sur Zoom, de notre tendance à « romantiser » les années 1990, des doubles standards et de notre propre culpabilité, à perpétuer ces idées faussées sur Pamela Anderson. L’interview a été modifiée et condensée pour plus de clarté.
Que retenez-vous de la fin des années 1990, en particulier en ce qui concerne les événements décrits dans la série ?
Je crois que, à ce moment-là, je n’avais pas connaissance du lien entre Pamela, Tommy et cette cassette. Je ne pense pas que ce qu’il s’était produit ait atteint ma conscience. Pourtant, je me souviens d’Alerte à Malibu ! Il y a beaucoup de choses à romancer sur cette époque, et aussi beaucoup de choses à apprendre. Il y a des choses, je pense, qui n’ont fait qu’empirer. Il est utile de savoir regarder en arrière et de voir où nous en sommes vraiment, et de le faire sans un filtre rose.
Sur quels sujets pensez-vous que les choses ont empiré ?
Avec la naissance d’internet, cet alien qui ne fait que s’étendre ; ça paraît tellement fou, aujourd’hui, de penser le monde sans nos téléphones. Cette époque nous paraît désormais tellement étrangère. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, il y a plus de possibilités. Il y a cette compulsion de pouvoir observer n’importe qui, de partager, de sur-partager, de donner notre vie privée, et de tout commenter sans aucune conséquence. D’une certaine manière, nous sommes plus désensibilisés que dans les années 90. C’est différent, aujourd’hui. Je pense qu’il n’est plus possible que les paparazzis puissent prendre des photos de vous dans votre maison. Je pense que Pamela et Tommy ont beaucoup contribué à cette évolution, parce que ce qu’ils ont eu à vivre était tellement surréaliste et violent, tellement envahissant. Comment pouvez-vous vivre votre vie avec ce genre d’intrusion ?
Si Twitter existait déjà à cette époque, pensez-vous que les réactions auraient été mieux ou pire qu’aujourd’hui ?
Je pense que le problème, c’est que tout le monde a une voix sur Twitter, et c’est vraiment dangereux. On peut l’utiliser pour détruire publiquement quelqu’un. C’est un environnement très toxique. Je me souviens que nous nous étions questionné sur les répercussions que cela aurait pu avoir si ça ne s’était pas passé pendant les débuts d’internet – aujourd’hui, on peut tourner n’importe quel fait comme on le souhaite. Mais peut être qu’il y aurait aussi eu plus d’informations, sur le fait que cette cassette avait été volée, et qu’il s’agissait d’un crime contre un couple marié. Ou peut être qu’il n’y aurait rien eu du tout, parce que maintenant l’histoire est créé par celui qui l’écrit, qui n’écoute que son propre écho, et qui déforme la vérité. Peut être que cela n’aurait pas eu le même impact, et que ça aurait pu passer entre les mailles du filet. C’est dingue que cet enregistrement soit la toute première vidéo à scandale qui ait jamais existé, et qui a eu un énorme impact sur là où nous en sommes aujourd’hui.
Y a-t-il des choses en Pamela sur lesquelles vous vous identifiez ?
J’ai pu comprendre beaucoup de choses en étant simplement une femme, parce que, que vous soyez Pamela Anderson ou qui que ce soit d’autre, on subit le sexisme, la misogynie et les doubles standards, on subit ces moments où on est pas traité de la même manière que notre partenaire ou collègue masculin. C’est une histoire universelle. Vous êtes sous-estimées, vous êtes catégorisées. Votre sexualité est contrôlée. Ce sont des sujets vraiment importants, qui sont tellement accessibles, au-delà de ce qui est arrivé à Pamela Anderson.
En tant qu’actrice, mon travail consiste à comprendre et à avoir de l’empathie, sans porter de jugement. Habiter la vie, les rêves, les pensées d’une autre personne. C’est un sentiment étrange qui peut devenir envahissant. J’ai parlé avec un accent Américain pendant quatre mois. Je me promenais avec une perruque blonde que j’avais acheté dans un magasin. Je savais que c’était un défi énorme, et si loin de ma personnalité. Je voulais tout le temps en rester imprégnée.
Le showrunner Robert Siegel a parlé des réactions de votre casting sur les réseaux sociaux, qui étaient influencés par votre ancien rôle de Cendrillon. Existe-t-il encore un double standard chez les acteurs ?
Les femmes sont souvent catégorisées comme la fille gentille, ou comme plein d’autres choses. C’est une façon de nous contrôler, et de nous réduire à une seule et même entité. C’est mon travail, en tant qu’actrice, de pousser les murs dans ce que je fais. Et d’être assez courageuse pour jouer des personnages qui ne sont pas comme moi, en espérant qu’on vous donne votre chance en vous choisissant pour le rôle. Je me suis sentie tellement reconnaissante quand ils [Siegel et Craig Gillespie] ont pensé que je pouvais réussir à le faire. Je joue Pamela à cette époque-là, dans les années 1990, où elle est au sommet de sa gloire. Elle joue dans ‘Baywatch’, et elle joue dans ‘Barb Wire’, cet énorme film qui sort au cinéma. C’est une actrice. Toutes les personnes à qui j’ai parlé et qui la connaissent disent que c’est une des femmes les plus charmantes qui soit, et il y avait quelque chose en elle dans ses interviews qui semblait si ouvert, si authentique. J’avais beaucoup à faire pour me préparer.
La série n’approfondit pas vraiment le côté sexuel de la relation entre Pamela et Tommy, mais plutôt son côté romantique. Ces deux-là ce sont profondément aimés durant cette période, et beaucoup de gens ont tendance à l’oublier au profit du sexe.
Les gens se créent un récit au travers des médias. Il y a toujours une différence entre ce qui est filmé et la personne que vous êtes dans la vie privée, ce qui, aux yeux du public, peut être difficile à discerner. Nous avons beaucoup parlé entre nous de cette projection. Comment on projette sur les gens notre propre point de vue, nos préjugés, nos idées, et puis le patriarcat … on peut aller aussi loin qu’on en a envie. Nous ne connaissons pas ces personnes. Et comment pouvons-nous les connaître ? Nous avons été sensibles, respectueux, voyant les choses avec un cœur ouvert, afin de comprendre ce qui s’était passé pour pouvoir raconter cette histoire.
Etait-ce facile de passer à un autre projet après avoir joué Pamela ?
En fait, j’ai passé une audition pour un projet, et je ne l’ai pas réussie ! J’ai tout envoyé à mes agents, et je me suis dit « Oh mince, est-ce que je joue toujours comme Pamela ? » C’était totalement accidentel. Elle ne m’avait pas encore quitté. C’était un tel privilège d’avoir pu la jouer. Tout ce que je souhaitais, c’était lui rendre justice, et j’ai toujours eu du mal à laisser partir mes personnages, surtout quand on a passé autant de temps à tourner une série. Je l’ai incarnée pendant quatre à cinq mois.
Pensez-vous que la société est prête à admettre sa culpabilité dans ce qu’il s’est passé avec Pamela Anderson à l’époque ?
Je suis contente que vous utilisiez le mot « culpabilité », parce que notre véritable intention dans cette série, c’était de tenir un miroir pour que les gens regardent leur propre culpabilité sur la continuité de ce comportement viral et malsain sur internet. Nous sommes tous complices, et nous devons devenir plus conscients.
IndieWire | 2 février 2022 | Traduit par Lily James France ©