Connue pour avoir joué la princesse Disney Cendrillon, l’effervescente Lady Rose dans Downton Abbey, et la libre Donna dans Mamma Mia 2, Lily James n’était pas le choix le plus évident pour jouer Pamela Anderson dans la mini-série Hulu ‘Pam & Tommy’ – l’actrice Britannique est d’ailleurs d’accord. Aujourd’hui, elle parle à Eva Wiseman de misogynie, de sa vie privée, et en quoi jouer la star des années 90 de Baywatch a été son rôle le plus stimulant – et le plus rafraîchissant.
Après avoir enchaîné huit épisodes de Lily James dans le rôle de Pamela Anderson, il me faut une minute pour me ré-habituer à elle lorsque nous nous rencontrons. « Bonjour, salut – comment ça va ? » demande-t-elle poliment, et soudain la voici, avec toute sa gentillesse de rose anglaise. Son dernier projet, ‘Pam & Tommy’ raconte les retombées médiatiques après que l’électricien de Pamela Anderson et Tommy Lee ait volé leur coffre fort et publié la vidéo privée cachée à l’intérieur – et que leur conception du sexe, de célébrité et de leur vie privée aient été altéré à jamais. Aujourd’hui, près de 25 ans plus tard, James a enfilé une combinaison en prothèse pour raconter cette histoire.
Et la transformation est extrême. Elle est l’actrice la plus connue pour incarner les princesses et les voisines de pallier, toujours avec une malice naïve et innocente. « Je me souviens m’être rendue une fois au Festival de Berlin, dans cette incroyable robe rose avec tous ces diamants, mais j’avais une terrible infection urinaire, et j’ai dû quitter le convoi de voitures pour courir jusqu’aux toilettes d’une station service » gémit-elle. « Telle est ma glamour réalité.» Lorsque le casting de ‘Pam & Tommy’ a été annoncé, les capacités de James à devoir non seulement incarner le rôle d’une ‘bombe sexuelle’ des années 90, mais aussi de devoir incarner son corps, a suscité une vague d’indignation sur internet. Mais personne n’en doutait plus que James elle-même. « J’ignorais complètement si je pouvais le faire » révèle-t-elle. Et puis les photos ont fuité – et, du jour au lendemain, l’indignation s’est muée en incrédulité. Visiblement, James semblait avoir abandonné son Surrey (la région dans laquelle elle est née), sa douceur, et avait enfilé son maillot de bain rouge pour devenir Anderson. Pour huit épisodes.
« Je n’ai jamais travaillé aussi dur » dit James « J’ai lu le livre qu’Anderson a écrit, j’ai lu ses poésies, je peux réciter toutes ses interviews. » Il ressort clairement de sa performance, qui varie de la sensibilité d’un chaton à bout de souffle, à une rage contrôlée, que James a grandit en l’aimant. « Et puis, bien sûr, il y a la transformation physique. Au fur et à mesure, notre équipe incroyable a trouvé un équilibre où je ressemblais à Pamela tout en faisant en sorte que je puisse aussi jouer au travers. » James était maquillée à 3h30 du matin, revêtant la perruque, le plastron, et le bronzage, devenant Anderson pas moins de quatre heures plus tard. « Je n’avais jamais joué dans quelque chose où je pouvais être aussi différente. Et j’aimerais beaucoup continuer sur ce chemin, car j’y ai senti quelque chose de très libérateur. Il y a une sorte de courage qui en découle. Un courage, qui prend racine dans … la disparition. » Et c’était comment, de retourner à Lily ? « J’ai détesté. » Elle éclate de rire, surprise par ce qu’elle vient de dire. « C’était comme si j’étais dépourvue de mes super pouvoirs ! J’ai tellement aimé ce physique, cette sensualité, jusqu’aux faux ongles. Il y avait tellement de caractère, c’était vraiment passionnant. »
Cette transformation extrême a inévitablement provoqué la difficulté de laisser le personnage derrière elle après le tournage. « Il faut du temps pour laisser un personnage comme celui-là vous quitter. Dans le passé, je pense que j’étais trop modeste pour croire que je pourrais un jour habiter un rôle si fort, et qu’il aurait un tel impact sur moi, mais c’est ce qu’il s’est passé. Ma psy m’a raconté que quand son mari regarde un match de rugby, à la fin, il est épuisé – notre système nerveux ne fait pas vraiment la différence entre celui qui gagne et celui qui regarde. Et je pense qu’il se produit la même chose quand on joue quelqu’un. »
A chaque fois que James accepte un nouveau rôle, elle commence par explorer ses ressemblances au personnage. Désormais âgée de 32 ans, elle travaille constamment depuis qu’elle a quitté l’école d’Arts Dramatiques, faisant autant les gros titres pour son jeu d’actrice (dans Downton Abbey, Mamma Mia et Cendrillon) que pour ses relations privées. Mais bien que tout cela ait été retourné dans tous les sens par les tabloïds, il n’est pas évident d’y voir des similitudes avec Anderson. « C’est ce que j’aime tant, quand je joue la comédie ; on intègre un personnage et on réalise que nous ne sommes pas aussi différents qu’on l’a pensé. On se penche sur les choses qui sont enfouies en nous, et on jette les parties qui ne nous sont pas utiles. Nous avons exploré un moment particulier de la vie de Pamela et Tommy dans les années 90, avec cette soif d’amour absolu. » Elle serre ses bras contre sa poitrine. « Ce cœur ouvert, et cette chute dans quelque chose d’inconnu » Elle s’adosse à son canapé, et sourit. Derrière elle, il y a une grande toile rose griffonnée accrochée au mur, avec le message : ‘Le problème avec l’amour, c’est qu’il dure pour toujours.’
« C’était grisant d’imaginer ce que cela pouvait signifier d’être une jeune femme au sommet de sa gloire. » Comment la célébrité a-t-elle évolué depuis ? Elle marque une pause. « Quand vous regardez certaines de ses interviews dans les années 90, la misogynie est si frappante. Depuis, ça a bien changé, mais … » Sa voix s’éteint, et je me demande si elle pense à cette semaine-là, en 2020, où des photos de paparazzis d’elle avec l’acteur Dominic West ont mené ses amis à dénoncer le ‘slutshaming’ des médias à son encontre. « Je pense que cette misogynie est quand même aujourd’hui plus dissimulée, n’est-ce pas ? » ajoute-t-elle joyeusement. « Il y avait donc beaucoup de choses sur lesquelles je parvenais à m’identifier. »
Cette série rejoint un nouveau genre sur des histoires critiques, rejoignant le documentaire sur Britney Spears et le drame récent sur Monica Lewinsky – des moments culturels racontés sous forme de comptes rendus. « C’était un défi. Et je sentais qu’elle était essentielle. » dit-elle à propos de la série. « La culpabilisation était si extrême. » Elle me regarde d’un air interrogateur. « Malheureusement, c’est toujours d’actualité, vous ne trouvez pas ? Les femmes sont soumises à des normes toujours plus élevées, et sont attaquées d’une façon tellement vicieuse. Pamela avait tellement d’esprit et de grâce dans sa manière de se comporter. J’admire cette force. » A-t-elle appris des choses en étant une femme célèbre d’aujourd’hui ? « Je pense qu’il existe des façons de détourner l’attention à des fins pour louables. » Elle hausse les épaules, paraissant soudain mal à l’aise. Désolée, dit-elle. Elle est nerveuse.
« C’est la première interview que je fais pour ce projet, et j’y tiens beaucoup. » La série a suscité bien des débats sur le net, car elle a été réalisée sans l’approbation d’Anderson. « J’espérais vraiment qu’elle serait impliquée. J’aimerais que ce soit différent. » soupire James. « Ma seule intention, c’était de raconter cette histoire et de jouer Pamela de la manière la plus authentique. » A-t-elle contacté Anderson de son côté ? « Oui. Et j’avais espoir de pouvoir être en contact avec elle quand je serai sur le tournage. »
« Quand on doit recréer un personnage, on prend la vie de quelqu’un d’autre sans avoir forcément toutes les informations, donc j’ai dû avoir une entière confiance envers le réalisateur. Mais je veux provoquer une discussion, et faire partie d’un changement. Je me rends compte que ces choses-là sont sensibles et difficiles. Et donc, en tant qu’actrice, toutes ces choses que je fais dans une certaine mesure sont à prendre avec ouverture, pour pouvoir vraiment en parler. » Et comment se sent elle ? « Nerveuse ! »
Et cette « discussion », elle est centrée sur la première sex-tape entre deux célébrités, ses conséquences ayant façonné un monde où les violations de vie privée ne sont plus seulement un problème d’acteurs ou de rock stars – aujourd’hui, internet laisse n’importe qui vulnérable à une exposition similaire. « Tout cela a abouti à une culture d’internet et de la célébrité qui, maintenant, est, je pense, devenu incontrôlable » chuchote James. « La vie privée n’existe plus aujourd’hui. » Au lieu de voir des vidéos volées dans des coffres forts, « on les partage, on étale constamment nos vies – avec un public qui ne se soucie pas vraiment de nous. Et puis, on donne nos informations à des entreprises qui les utilisent à des fins lucratives. Je sais depuis longtemps que ça existe, mais il y a des jeunes filles qui n’en ont aucune idée. C’est un incident important, qui a involontairement construit un nouveau monde. J’espère que beaucoup de choses ont évolué depuis. Mais parfois, on a l’impression que ce n’est pas assez. »
Elle reprend sa respiration. Ce n’est que récemment que James a appris la nécessité de ralentir. « Je suis quelqu’un tellement pressé » dit-elle en s’excusant. Avant la pandémie, elle sautait d’un projet à l’autre, mais elle s’est soudain rendu compte « qu’il y a de grands sacrifices à faire ça. Et bizarrement, j’ai ressenti une sorte de paix au début du confinement. » Cela l’a conduit à prendre une pause, et la décision qu’elle veut prendre, c’est d’avoir plus de contrôle sur son travail – produire ‘The Pursuit of Love’ l’a assuré qu’elle est aussi vraiment douée dans ce domaine, et elle a réalisé : « Je déteste m’impliquer dans quelque chose, pour ensuite devoir le lâcher quand c’est terminé – dans ce processus, nous sommes privé de nos droits en tant qu’acteur. » Le contrôle est devenu important pour elle. « Surtout quand je regarde l’état du monde. La perte de foi que nous avons envers nos dirigeants est désespérante et effrayante. »
Quand son père défunt est devenu bouddhiste, il l’emmenait avec lui dans un monastère Tibétain en Écosse. « Et puis récemment, j’ai découvert que la spiritualité est un bon moyen de revenir à soi. » Elle vient de rentrer d’une retraite dans le Somerset. « Le but, c’était de retrouver le moi spirituel, le vrai et l’authentique, pour me réintégrer à la nature et me débarrasser de mon anxiété, et d’arrêter de me sentir dépassée. En prenant du temps, et comprenant que tout le monde vit ces choses-là, ça fait partie de la vie » elle agite les mains « tout ça ».
Un jour, elle a réfléchit aux conseils qu’elle donnerait à sa version plus jeune. « Ne te prends pas trop au sérieux » sourit-elle. « Essaye de moins te soucier de ce que les gens pensent de toi. » Est-ce toujours un problème pour elle ? Elle gémit d’une manière théâtrale. « Eh bien, parfois je me sens emplie de force, comme si je pouvais tout affronter, et d’autres jours, je me sens très fragile. » Mais, souligne-t-elle, il y a du bon dans cette vulnérabilité. « Parce que c’est ça qui m’aide à choisir un projet comme celui-ci. » Travailler pour des sujets qui lui tiennent à cœur, comme le sexe, le sexisme, pour un travail qui la libère de son propre corps. « Un travail que je trouve », elle s’arrête un instant, à la recherche du mot « effrayant ».
Net-A-Porter | 10 Janvier 2022 | Traduit par Lily James France ©