Récit d’un voyage initiatique romanesque et mélodramatique
Alors que la période des festivals du cinéma touche le fond à cause de l’épidémie du Covid19, Netflix sort son premier atout pour la saison des Oscars 2021 : Rebecca. Remake [très] attendu du célèbre classique de Daphne du Maurier, ce nouveau long métrage à la sauce British a de quoi intriguer. L’équipe de Lily James France décrypte.
Rebecca, c’est l’histoire littéraire très connue de cette jeune femme, dame de compagnie d’une vieille dame exécrable (Mrs Van Hoppers), qui rencontre le veuf Maxim de Winter et qui, très vite, va se retrouver non seulement mariée mais aussi la nouvelle maîtresse de maison de la grande propriété de Manderley. Un château aux allures inquiétantes, hanté par la mort mystérieuse de l’ex femme défunte de Maxim, Rebecca.
Le film s’ouvre sur les phrases du livre de Daphne, scandées par la voix de miel de Lily James, tel un monologue Shakespearien. « Last night, I dreamt I was in Manderley again. » Nous découvrons ensuite, sous les rayons mordorés de Monte-Carlo, une Lily James pétillante dans les chaussures maladroites de la future Mrs de Winter, et puis un géant au charisme transcendant : Armie Hammer dans la peau de Maxim. L’amour qui se tisse entre eux est aussi rapide que dans le bouquin, mais on peut déjà attribuer au film le point fort d’offrir à cette romance une nouvelle vague de fraîcheur aux allures modernes. Les scènes entre les deux protagonistes sont plus nombreuses, nous rentrons dans l’histoire de ce coup de foudre avec une aisance déconcertante.
Lorsque la nouvelle Mrs de Winter débarque à Manderley, c’est une toute autre ambiance. Lumière froide et tamisée, d’immenses tableaux Victoriens ornant les murs jusqu’aux hauts plafonds et une décoration typiquement tirée des châteaux austères Anglais, Ben Wheatley [le réalisateur] parvient à nous dresser un décors digne des descriptions du roman de Daphne. Parce que, Manderley, c’est un personnage à part entière. Ce château vit, il est le théâtre abritant la divine comédie qui se joue entre ses murs. Même les domestiques se fondent dans ce décors lugubre, leurs costumes sombres et leurs regards livides épiant la nouvelle Mrs de Winter dans tous les recoins de la maison. Un frisson nous parcoure agréablement l’échine, c’est réussi.
La maîtresse en chef de cette ambiance qui fait froid dans le dos, c’est elle, Mrs Danvers, campée par une Kristin Scott-Thomas au sommet de son art, alternant les sourires forcés et les gestes d’une glaciale courtoisie. Maxim, Mrs de Winter et Mrs Danvers forment un trio pour le moins étrange et pourtant complémentaire. La jeune Mrs de Winter est rabrouée, moquée et sans cesse comparée à cette femme défunte qui se retrouve dans tous les détails de la maison : sur les broderies jusqu’aux carnets de comptes. Son fantôme erre dans chaque plan du film, bien que Wheatley ait fait le choix de ne jamais basculer dans le paranormal.
Rebecca 2020 est ce mélange étroit entre romance, drame et mystère. Tout cela aurait pu suffir à ce qu’il fasse un film tout aussi digne de la version aux six Oscars d’Alfred Hitchock de 1940. Pourtant, ce n’est malheureusement pas le cas. Si le film montre une esthétique impeccable dans les plans, les lumières, les costumes et les décors, il souffre néanmoins de nombreuses maladresses.
Si les personnages sont remis au goût du jour et offrent une modernité bienvenue dans la romance entre Mr et Mrs de Winter et dans la psychologie des personnages (accentuant le symbole de la femme libre que constitue le personnage de Rebecca, ou montrant un Maxim de Winter plus doux et plus humain) l’originalité s’arrête malheureusement là. Également, le film possède ses lacunes dans son rythme : tantôt trop lent au début (le passage à Monte-Carlo dure plus de 30 min sur 2h de film), trop mou en son milieu et trop rapide sur des éléments pour le moins importants (la femme qu’a été Rebecca, ses relations avec Maxim et Mrs Danvers, l’élucidation d’un meurtre en quelques minutes alors qu’il est resté dans le secret pendant des mois dans l’histoire), les scènes du film semblent se succéder les unes après les autres comme de simples adaptations d’un livre trop complexe. Cela altère non seulement la profondeur de l’intrigue, mais aussi la complexité psychologique passionnante des personnages, les réduisant qu’à de simples figures théâtralisées.
Ces faiblesses mises à part, Rebecca offre néanmoins un puissant spectacle visuel. La performance des acteurs est poignante et le casting ne serait pas à refaire. Cette histoire d’origine bien plus sombre et vieillotte est remise intelligemment au goût du jour. C’est beau, c’est accessible, c’est moderne.
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